Tout entrepreneur qui se lance dans une nouvelle aventure doit accepter l’idée de conduire tôt ou tard un pivot.
Un « pivot » ? Quid est ?
Ce terme du jargon entrepreneurial signifie une évolution plus ou moins forte de sa proposition de valeur, de son modèle économique, de son positionnement, de son modèle de distribution… Parfois même, il peut s’agir de conserver la même structure juridique et les équipes en place pour se lancer dans un métier radicalement différent, voire dans un nouveau secteur, tant l’activité initiale conduisait à une impasse économique*.
Pour se préparer à cette éventualité (parmi les start-up de l’Accélérateur, au moins 1 sur 2 en a réalisé un ou plusieurs), il faut ne pas être pétri de certitudes, ne pas penser qu’on a raison sur tout et que son idée initiale finira par payer. Le temps ne permet pas tout.
Il faut au contraire une grande souplesse intellectuelle ; une capacité d’écoute de son marché, très fine et humble, pour en capter tous les signaux, forts comme faibles ; une volonté permanente de se remettre en question ; une capacité d’analyse objective et pragmatique de la situation ; une faculté à décider vite qu’un changement doit être opéré ; une capacité de conviction vis-à-vis de ses équipes, de ses actionnaires et de ses clients de l’intérêt impérieux de cette décision ; une agilité dans l’exécution pour faire en sorte que l’entreprise s’engage entièrement dans ce virage.
L’une des principales questions est de savoir à quel moment décider ou non d’un pivot.
Pour ce faire, il faut se poser pragmatiquement quelques questions essentielles :
– Le produit ou le service rend-il ses clients heureux ? Si ce n’est pas le cas, il y a un problème de base à traiter d’urgence.
– Ce métier rend-il les équipes et les fondateurs heureux ?
– Y a-t-il des éléments suffisants qui démontrent qu’on aura, dans un terme raisonnable – et/ou avec la volumétrie – un modèle économique viable ?
– Le marché est-il suffisant, à ce stade ou dans un avenir proche, pour permettre d’atteindre cette volumétrie ?
Si la réponse est non à l’une de ces questions, il faut rapidement envisager d’opérer des changements plus ou moins profonds selon les cas.
Cela suppose aussi d’avoir le cash nécessaire : à la fois pour tenir, le temps de les réaliser (par ex. pour repenser la proposition de valeur, puis le dispositif marketing qui l’accompagne) mais aussi pour se donner le temps nécessaire pour démontrer que ce pivot est le bon.
Amis entrepreneurs, il est donc primordial de se poser les bonnes questions tout au long du chemin et de ne pas chercher à pivoter trop tard !
* Le cas d’Inspirational Stores, société spécialisée dans la délégation e-commerce et lancée en 2007, est, à ce titre, un bel exemple. Elle a effectué un pivot radical peu après sa création et quelques mois seulement après avoir levé plus de 10M€, constatant que la nature de l’activité et que son modèle économique ne permettraient jamais d’atteindre une rentabilité et un développement attractifs. Le management a proposé aux investisseurs d’utiliser l’argent disponible pour faire l’acquisition d’un petit acteur de l’e-commerce, Motoblouz, spécialiste de l’équipement moto et motard, fondé par des entrepreneurs de grande qualité. Sage décision qui s’est révélée gagnante, car non seulement Motoblouz est aujourd’hui une société qui a fait x10 en croissance avec un CA de 40M€ et jouit d’une très bonne rentabilité. Pendant ce même temps, les concurrents d’Inspirational Stores qui ont poursuivi dans cette voie, ont soit végété, soit disparu, en ayant englouti, pour certains, près d’une quinzaine de M€.