Le financement est au cœur de la stratégie de développement d’une entreprise. Un bon financement est un facteur clé de succès dans l’optimisation de sa croissance. La problématique peut se résumer de la façon suivante : comment financer l’entreprise pour qu’elle jouisse de tout le potentiel de croissance possible ? Plusieurs questions se posent alors : comment déterminer le montant de financement adéquat, pour quel objectif business à atteindre, auprès de quels partenaires, à quelle valorisation ?
C’est pourquoi on parle de stratégie de financement.
Une levée de fonds n’est pas une fin en soi mais un moyen qui permet d’atteindre une étape clé dans le chemin de la création de valeur. Il faut la voir comme l’oxygène qu’emporte le plongeur pour atteindre un objectif qui se trouve à une profondeur déterminée.
Le montant levé doit être adapté – tout comme la valorisation – à la situation de l’entreprise, à ses perspectives et au délai qu’on se donne pour réaliser cette opération. Il n’y a pas de « bon » montant dans l’absolu. Mais, à vouloir chercher à lever trop d’argent d’un coup, au regard de l’état d’avancement de l’entreprise et de la crédibilité de l’équipe dirigeante, on risque de ne pas y parvenir et de devoir retourner voir les investisseurs 6 mois plus tard pour leur dire « finalement, je peux me contenter de moins d’argent », faute de mieux ; ce qui n’est évidemment pas souhaitable pour sa crédibilité et la bonne fin de la levée de fonds.
De plus, il ne faut jamais considérer uniquement le montant levé et la valorisation comme les principaux et seuls critères d’un financement. La qualité d’un financement s’apprécie également à la qualité des investisseurs (selon leur connaissance sectorielle, leurs succès obtenus, leur réputation, leur capacité à aider l’entrepreneur, …) et à toutes les clauses juridiques qui sont imposées dans le pacte d’actionnaires et qui pourront avoir une forte incidence lors du partage futur de la valeur créée. Une explication de ces clauses ferait l’objet d’un article dédié.
De la même manière, une levée de fonds, notamment au début de l’aventure, à une valorisation extrêmement élevée, peut constituer une bombe à retardement si jamais le business plan n’est pas scrupuleusement respecté et que des fonds complémentaires s’avère nécessaire de manière anticipée. Cela peut conduire à un refinancement à une valorisation bien inférieure, voire à une impossibilité de refinancement si les actionnaires ne s’entendent pas sur les conditions appropriées.
Par ailleurs, on rencontre bien souvent des entrepreneurs en phase de démarrage dont la 1ère préoccupation est de lever des fonds. Et ce, avant même de trouver leurs premiers clients et de valider la pertinence de leur proposition de valeur.
Or il n’est pas rare de trouver de jeunes entreprises obtenir des financements de plusieurs centaines de K€, alors que l’entreprise vient tout juste d’être créée et n’a pas démontré un niveau d’activité qui puisse le justifier.
Pourtant le fait de lever « trop » d’argent trop tôt représente un risque potentiel. Nous le constatons fréquemment que ce soit à travers les entreprises qui postulent à l’Accélérateur ou à travers nos propres start-up.
Des entreprises lèvent ainsi 300 à 400K€ dans les tout premiers mois de leur création, auprès de fonds d’amorçage et/ou de business angels, alors qu’elles sont à un stade où la preuve de la pertinence de leurs propositions de valeur n’est pas faite (je ne parle même pas du business model) et où un financement de 100K€ aurait suffi à finaliser la version initiale de leurs produits et à les confronter au marché. Or 12 à 24 mois plus tard, nombre d’entre elles se retrouvent à cours de cash et sans réelle avancée au plan commercial. C’est notamment là qu’elles viennent postulent à l’Accélérateur et demandent notre aide.
Le syndrome du « trop d’argent trop tôt » est fréquent et se traduit de la façon suivante :
– L’entrepreneur reçoit une somme de plusieurs centaines de K€, et dans une proportion à laquelle il n’est pas habitué ;
– De ce fait, cette somme lui donne une audace excessive : conforté par le sentiment de confiance inattendue de la part d’investisseurs qui ne le connaissent pas, il est persuadé que son projet est solide et se met à prendre des risques plus importants, non nécessairement judicieux. Son interprétation est que l’enjeu est uniquement d’accélérer et qu’il lui faut donc investir. Les coûts fixes se mettent à grimper (recrutements nombreux, bail, …) et les investissements en marketing et communication également ;
– Il ressent moins l’urgence du temps car le cash disponible lui donne le luxe de pouvoir tenir 1 ou 2 ans ;
– Il perd la rigueur requise en matière de gestion ;
– Sa créativité dans la recherche de solutions aux problèmes du quotidien s’atrophie ;
Bref, cette reconnaissance par le financement l’installe peu à peu – ainsi que son équipe – dans un sentiment de confort compte tenu des moyens et du temps disponibles.
Ce syndrome peut également toucher des sociétés plus mûres. Save, spécialiste de la réparation de smartphones et de tablettes, a ainsi levé près de 15M€ en septembre 2015 à grands renforts de communication et connaissait une croissance qui laissait perplexe. La société se retrouve 9 mois plus tard en redressement judiciaire. De l’aveu même du fondateur, la société s’est mise à dépenser sans un contrôle de gestion rigoureux, sans une organisation et un management solides et sans des processus parfaitement établis. Alors même que le business model de cette activité exige une gestion et un contrôle millimétrés. La course à la croissance lui a fait perdre de vue la faiblesse de ses fondations…
Amis entrepreneurs, avant de chercher à lever des fonds, posez-vous les questions essentielles :
– Qu’ai-je prouvé à ce stade, notamment combien de clients ai-je acquis et conquis ?
– De combien ai-je réellement besoin pour atteindre la prochaine étape significative à 12-18 mois ?
– Ai-je besoin de cash pour parfaire mon offre et la commercialiser (et sauf à ce qu’il y ait une R&D importante, du développement produit et des investissements à faire, bien souvent quelques dizaines de K€ suffisent dans un 1er temps) ou pour accélérer compte tenu d’une traction existante et d’un modèle économique dont on commence à maitriser les grands paramètres ?
Cela fait partie des questions auxquelles nous aidons concrètement nos entrepreneurs à répondre.